mercredi 4 novembre 2015

Correspondance 14-18 – "à l’appel, il en manquait la moitié"

27 mars 1915
Bien chers parents, notre transport d’hier a été favorisé par un clair de lune qui remplace utilement nos phares.
Tout s’est bien passé, mais vous ne pouvez pas vous imaginer les difficultés que l’on a pour faire partir les réfugiés.
Ainsi hier nous devions prendre dans un village 126 personnes et, à l’appel, il en manquait la moitié.
Le Commissaire de Reims va modifier son service d’ordre car tous les réfugiés signalés comme nécessiteux doivent quitter la ville.
La vrai raison, c’est que l’on craint que quelques-uns d’entre eux se livrent à l’espionnage.
Cet après-midi, je dois emmener un transport de troupes de Braine près Soissons.
Vous le voyez, on ne chôme pas mais notre besogne est facilitée par un temps superbe.
Cette nuit, nous n’aurons pas de mouvement.
Ce soir, nous cantonnons à Muizon.
Nous reprendrons notre service à Reims demain soir.
Sur cette carte et à gauche vous verrez une succursale de Bauche épargnée par les obus.
Je vais toujours bien, votre fils dévoué.
René.




Cette fois-ci, nous avons beaucoup d’intérêt à lire ce courrier, qui nous en apprend un peu plus sur l’évacuation des réfugiés. Je n’ai pas réussi à trouver quel était le village dont René parle, où seulement la moitié de la population concernée avait répondu à l’appel. Alors, était-ce dû à des problèmes de communication, ou tout simplement que certains n’avaient pas envie de quitter leur village ? Pourtant, il s’agissait de nécessiteux. Certains de ceux qui restent se livraient-ils effectivement à des activités d’espionnage ?
En tout cas, René ne s’ennuie pas et semble enchaîner les allers retours, de nuit… aujourd’hui vers Braine, et retour à Muizon.

Quant au visuel de la carte, René semble avoir un intérêt tout particulier (ou le destinataire de cette carte) pour la succursale des coffres-forts Bauche… qui effectivement, aussi incroyable que cela puisse paraître, est encore debout alors qu’il ne reste plus rien de sa voisine.

En regardant d’un peu plus près la carte ci-dessous, on voit que cette maison complètement détruite est la boutique de La Compagnie Singer. On peut aussi se rendre compte qu’il s’agit d’une construction beaucoup plus ancienne, peut-être en carreaux de terre, ce qui expliquerait en partie, ce tas de décombres impressionnant. Cette seconde carte est datée de 1910, peut-être est-elle un peu plus ancienne, mais toujours est-il que la succursale Bauche n’est pas encore installée rue de Vesle.


Laurent ANTOINE LeMog

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire