26 mai 1915
Mon cher Emile,
Un de nos officiers part en permission pour 7 jours, le veinard ! Je lui confie ma lettre.
Tu as dû voir sur une circulaire de secteur que Guillemont et Fallon étaient officiers d’administration dans les hôpitaux de Bar-le-Duc et Dunkerque. Chody est en congé de 7 jours avant de partir au dépôt. Maintenant que l’Italie est avec nous, cela va marcher, les boches semblent économiser leurs munitions, néanmoins, cette nuit, ils ont encore arrosé St-Anne et le bord du canal.
Je rappelle les infirmières en congé, les divisions de réserve de Reims vont être remplacées, est-ce l’avance prochaine ?
J’apprends d’autre part que l’on se dispose à distribuer l’eau de la ville aux tranchées… Incertitude.
Attendons, mais la décision semble pour juin.
Ne te fais pas de bile, les hommes ne manquent pas et tu seras maintenu comme tu es sans doute.
Meilleurs baisers à Suzon, dont je souhaite le prompt rétablissement, ainsi que à Augustine.
Je t’aime de tout mon cœur.
Georges.
Pas forcément facile de tout comprendre, mais il y a fort à parier que Georges écrive à son frère, qui à priori, n’a pas dû être encore mobilisé, puisqu’il fait allusion au fait qu’on ne manque pas d’hommes, et qu’Emile pourrait rester là où il est.
Vraisemblablement, Georges est gradé dans un corps médical… puisqu’il s’occupe de rappeler les infirmières.
Nous sommes dans l’actualité. Georges est plutôt optimiste, en effet, l’Italie, quelques jours avant ce courrier, le 3 mai 1915, rejoint la Triple Entente (France, Russie, Royaume-Uni) après sa neutralité adoptée au début de la guerre (avant-guerre, l’Italie faisait partie de la Triple Alliance aux côtés de l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie). Mais bon, nous le savons aujourd’hui, pas de quoi faire se terminer rapidement le conflit.
Nuit de bombardement à Reims, plus précisément sur le quartier St-Anne et le bord du canal… voilà ce qu’on peut lire sur le Matot-Braine :
26 mai 1915 – Reims – Plusieurs obus : rue Clovis, sur le canal et ses abords.
Ce qui corrobore les dires de Georges.
Terminons par le visuel de la carte, il s’agit du Temple protestant situé au 13 du boulevard Lundy, bombardé dès le début du conflit, le 19 septembre 1914. Comme on peut le constater, il ne reste plus que la façade debout, et les cheminées… la toiture est partie en fumée !
Il n’était pas si vieux, 47 ans ! (construit en 1867)
Ci-dessous, le Temple protestant du boulevard Lundy, avant guerre.