lundi 23 février 2015

14-18 - De Louis Brauer à Joseph Kircher

23 décembre 1914

Mes biens Chers
Aujourd’hui à midi, j’ai reçu votre bonne lettre qui m’a fait plaisir.
J’ai été heureux de vous savoir en bonne santé mais peiné du manque de nouvelles de nos chers exilés, espérons que Charles a pu passer la frontière et pu combattre pour notre sainte cause.
L’offensive est de nouveau reprise, Dieu aidant, ce sera une histoire décisive et la libération définitive de notre territoire ainsi que de l’immortelle Belgique.
Sur l’autre front, nos alliés russes font de la bonne besogne quant à la glorieuse subie, elle se couvre de gloire, nous pouvons reprendre en toute justice la phrase de Guillaume l’assassin « Dieu est avec nous ».
Courage donc, et confiance, encore quelques efforts et nous serons débarrassés de ce terrible cauchemar, et ceux qui survivrons pourront vivre en paix.
Oui cher Joseph, la manche a sonné pour nous et la grande victoire de la Marne a marqué un point dans l’histoire. Finissons avec plus d’énergie si possible l’œuvre commencée et après, il nous sera permis de reprendre notre place au foyer en continuant de travailler en paix à la gloire de notre chère patrie.
Redoublons de ferveur dans nos prières afin que le chant de Noël « peuple à genoux, chante ta délivrance » s’applique aux événements actuels.
Merci mes biens chers de votre délicate attention en joignant à votre lettre un mandat de 5 francs. Jusqu’à ce jour, je n’ai manqué de rien et notre solde vient d’être augmentée, aussi, je viens de retourner chez moi l’argent que j’avais emporté en y joignant quelques petites économies.
Petit Joseph va mieux, il se lève. Je suis en bonne santé et même inoculé contre la typhoïde et prochainement, contre la variole.
Marguerite doit être une grande et gentille fillette, je lui souhaite un gracieux Noël et de tout cœur je vous embrasse toutes.
Louis



Une fois n'est pas coutume, pas de carte postale... il s'agit ici d'une carte-lettre destinée à la correspondance des soldats et ce, sous franchise postale.
Même s'ils avaient la possibilité d'acheter de vraies cartes postales illustrées, ces cartes étaient également bien pratiques pour assurer un traitement aisé par l'administration militaire, le recto regroupant de manière rationnelle toutes les informations utiles au bon acheminement : nom – grade – régiment – compagnie ou bataillon, en ce qui concerne l’expéditeur… et bien sûr l’adresse du destinataire. Le verso était destiné à la correspondance, comme n’importe quelle carte postale, avec quand même en tête, les recommandations d’usage :
Cette carte doit être remise au vaguemestre. Elle ne doit porter aucune indication du lieu d’envoi ni aucun renseignement sur les opérations militaires passées ou futures.
S’il en était autrement, elle ne serait pas transmise.


En effet, ces cartes voyageant sans enveloppes, les services de censure pouvaient aisément assurer les contrôles, sans avoir à ouvrir les enveloppes.

Terminons par un petit commentaire sur le texte, sans entrer dans les détails.
Écrite fin décembre 1914, cette lettre est pleine d'espoir quant à une fin proche. Il faut dire que la victoire franco-britannique de la bataille de la Marne de septembre 1914 a dû galvaniser les esprits et renforcer ce sentiment de supériorité, et bien sûr, donner de l'espoir. Mais encore une fois, la fin est bien loin !
On peut voir que Louis est plutôt économe, au point de renvoyer ses économies à la maison !
Et la santé dans tout çà ? Louis a eu droit à une vaccination antityphoïdique ! Elle est obligatoire dans l'armée française depuis mars 1914.
Si les jeunes recrues reçoivent l'inoculation dès leur mobilisation, il n'en est pas de même pour ceux qui sont déjà au front, mais sera totalement systématique fin 1914, comme en témoigne Louis !

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