lundi 24 février 2014

Epernay, le paradis sur terre...

Epernay, le 5 février 1915
Mademoiselle,
pas de vues intéressantes non plus à Epernay, les boches ont tout respecté, jamais on ne dirait que tout fut envahit, du reste, ils ont été très convenables, personne n'a été évacué, vraiment, c'est une ville bien agréable, on ne se croirait jamais en guerre.
Les magasins de toute façon sont ravitaillés, c'est à ne pas croire, la vie est bien moins chère que par chez nous et on trouve absolument de tout.
J'ai bien regret de quitter, j'arriverais mardi à Revigny, dans l'après-dîner, je prends le train ici à 11h5et arrive à Revigny vers 2h1/2 à 3h, avec l'espoir de vous revoir bientôt. Recevez mes amitiés ainsi que M. et Mme Botollier.
(signature illisible)

Une coquille s'est glissée dans la légende de la carte postale, indiquant l'incendie du 18 septembre ! La confusion vient sûrement du fait que le 18, au moins 5 obus sont tombés sur la cathédrale, causant la mort d'un gendarme et de 2 prisonniers allemands. Mais c'est le bien le lendemain, le 19 septembre 1914, qu'un obus atteint les échafaudages en bois de la tour nord de l'édifice et explose.
L'incendie qui s'ensuit et la chaleur provoquent l'explosion d'une partie de la grande rosace... par le trou béant, des flammèches tombent à l'intérieur de la cathédrale, sur les paillasses installées pour les blessés, qui s'embrasent avec la vitesse que l'on peut imaginer, puis c'est au tour des charpentes de la toiture de prendre feu. La cathédrale a continué de se consumer toute la nuit du 19 au 20 septembre ! 

Une correspondance qui commence un peu étrangement.
La personne qui écrit semble désolée que la ville d'Epernay n'ait pas trop souffert des horreurs des premiers mois de conflit... elle n'a donc pas de cartes avec des vues intéressantes à envoyer, et se rabat sur une carte de la cathédrale de Reims, incendiée en septembre 1914 par les obus allemands.
On a droit à une sorte d'étonnement incrédule dans une ville épargnée où il fait bon vivre !
D'ailleurs, la personne va quitter Epernay avec beaucoup de regret... pour Revigny... mais quel Revigny ?
S'agit-il de Revigny dans le Jura, ou plus proche de nous, Revigny-sur-Ornain, dans la Meuse, où la bataille de la Marne du 6 au 12 septembre 1914 semble n'avoir laissé qu'un champ de ruines comme l'atteste les deux cartes postales ci-dessous, avec cet Hôtel de Ville complètement détruit et une rue de la gare qui reflète la désolation.


Dans ce cas, on comprend aisément ses "regrets", de devoir quitter une si belle ville épargnée, pour un village meurtri !


Laurent ANTOINE LeMog

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